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Cardiologie

Publié le 15 oct 2022Lecture 5 min

Les bénéfices cardiovasculaires du régime méditerranéen enfin confirmés chez les patients en prévention secondaire

Patrice DARMON, CHU Conception, Marseille

Les bénéfices cardiovasculaires du régime méditerranéen, déjà largement suggérés par de très nombreuses études d’observation, ont été démontrés avec éclat en 2013 par la célèbre étude espagnole PREDIMED dans une population de sujets à haut risque cardiovasculaire mais en prévention primaire. De façon surprenante, si l’on excepte la non moins célèbre Lyon Diet Heart Study menée dans le post-IDM, considérablement médiatisée lors de sa publication en 1999 mais dont certains aspects méthodologiques sont contestables, aucun essai randomisé n’avait jusque-là démontré les bénéfices du régime méditerranéen en situation de prévention cardiovasculaire secondaire. Une autre étude espagnole appelée CORDIOPREV (Coronary Diet Intervention With Olive Oil and Cardiovascular Prevention) vient de combler cette lacune en obtenant l’honneur d’une publication dans le Lancet.

Il s’agit d’un essai randomisé contrôlé réalisé à l’hôpital universitaire de Cordoue, mené en simple aveugle auprès de 1 002 patients âgés de 20 à 75 ans présentant une coronaropathie stable (âge moyen 59,5 ans, hommes 82,5 %, IMC 31,1 kg/m2, diabète 53,9 % des cas) et visant à comparer régime méditerranéen riche en huile d’olive extra-vierge (avec moins de 50 % de l’apport énergétique total AET sous forme de glucides et au moins 35 % sous forme de lipides) et régime pauvre en lipides (avec moins de 30 % de l’AET sous forme de lipides et plus de 55 % sous formes de glucides, et principalement de glucides complexes). À l’exception des diététiciens, tous les investigateurs de l’étude étaient en aveugle quant à l’affectation des régimes, qui n’imposaient pas de restriction calorique particulière. Un suivi diététique très régulier était réalisé dans les 2 groupes, comprenant des séances d’éducation individuelles et collectives (au moins 12 interactions/an) et l’adhésion au mode alimentaire proposé était évaluée à l’aide de questionnaires validés. Au fil de l’étude, 9,2 % des participants du groupe régime méditerranéen et 17,2 % de ceux du groupe régime pauvre en lipides ont abandonné le régime prescrit (p = 0,0002 entre les groupes). Pour les autres participants, l’adhésion aux modes alimentaires proposés a été satisfaisante. Ainsi, les patients inclus dans le groupe régime méditerranéen ont augmenté leur consommation de lipides (de 37,4 % à 40,5 % de l’AET), d’acides gras mono-insaturés (de 18,4 % à 21,4 %) et d’acides gras polyinsaturés (de 6,4 % à 7,4 %) — en lien avec des apports accrus en huile d’olive, noix et poissons gras — et ont diminué leurs apports en glucides (de 41,4 % à 39,4 %) et en acides gras saturés (de 9,0 % à 7,9 %) ; les patients du groupe régime pauvre en lipides ont réduit leur consommation de lipides (de 36,7 % à 31,2 %), d’acides gras mono-insaturés (de 17,9 % à 15,1 %) et d’acides gras saturés (de 8,9 % à 7,1 %) et ont majoré leurs apports en glucides (de 41,7 % à 45,5 %). Dans les deux groupes, les apports moyens en fibres ont augmenté (en lien avec une plus grande consommation de fruits, légumes et légumineuses) tandis que la consommation de viande rouge, de charcuterie et de boissons sucrées a diminué. Le critère primaire de jugement était un critère composite incluant infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral ischémique, revascularisation, maladie artérielle périphérique et décès cardiovasculaire. Au terme des 7 ans de suivi, il est survenu chez 198 patients : 87 (17,3 %) dans le groupe de régime méditerranéen et 111 (22,2 %) dans le groupe régime pauvre en lipides (taux brut pour 1 000 personnes-année : 28,1 [IC95% 27,9-28,3] contre 37,7 [IC95% 37,5-37,9] respectivement, log-rank p = 0,039), avec des courbes divergeant à partir de la troisième année (figure). Dans le modèle statistique intégrant le plus grand nombre d’ajustements, le risque de survenue du critère composite primaire est significativement plus faible dans le groupe régime méditerranéen (HR ajusté 0,719 [IC95% 0,541- 0,957], p = 0,024). Aucune différence significative n’a pu être mise en évidence sur les événements composant le critère primaire pris individuellement. L’analyse en sous-groupes montre que le bénéfice du régime méditerranéen est retrouvé à l’identique en l’absence ou en présence d’un diabète ou d’une hypertension artérielle et quels que soient l’IMC (> 25, 25-30, > 30 kg/m2) et le statut tabagique ; a contrario, le bénéfice tend à être plus important chez les sujets âgés de moins de 70 ans que chez ceux de plus de 70 ans (HR 0,72 [IC95% 0,53-0,97] vs 0,99 [IC95% 0,44-2,24], p interaction = 0,127), mais il est surtout significativement plus marqué (p interaction = 0,03) chez les hommes (HR 0,68 [IC95% 0,50- 0,94]) que chez les femmes (HR 1,27 [IC95% 0,64-2,49]), peut-être en raison d’un manque de puissance compte tenu de la faible proportion de femmes dans l’étude. Cette différence existe aussi entre les patients présentant ou non un LDL-cholestérol inférieur à 100 mg/dL (HR 0,64 [IC95% 0,46-0,90] vs 1,13 [IC95% 0,66-1,93), p interaction = 0,012) et entre les participants présentant ou non des antécédents familiaux de maladie coronaire précoce (HR 1,40 [IC95% 0,68-2,87) vs 0,67 [IC95% 0,49-0,92], p interaction = 0,029), sans qu’aucune explication claire ne puisse être apportée à ces derniers résultats. Le régime méditerranéen est largement promu dans les recommandations internationales comme étant le mode alimentaire présentant le plus haut niveau de preuve en matière de prévention cardiovasculaire. Mais il a tout de même fallu attendre dix ans après PREDIMED, menée chez des patients à haut risque en prévention primaire, pour que CORDIOPREV vienne confirmer dans une cohorte en prévention secondaire les bénéfices à long terme du régime méditerranéen qui s’avère donc supérieur, au moins chez les hommes, à un régime pauvre en lipides bien encadré et bien suivi. Bien sûr, on pourra arguer que le coaching diététique intensif proposé dans l’étude est loin d’être applicable en pratique clinique quotidienne ou que les résultats de l’essai espagnol ne sont peut-être pas extrapolables à des populations non méditerranéennes, culturellement moins à même de modifier leur mode alimentaire en ce sens. Il n’en reste pas moins que CORDIOPREV est une étude majeure, robuste, dont les enseignements doivent d’ores et déjà conduire à modifier — ou à renforcer — nos pratiques. Publié dans Diabétologie Pratique

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