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Urologie

Publié le 12 juin 2025Lecture 6 min

Quelles sont les infections atypiques en urologie ?

Hélène JOUBERT, Paris

Cystite emphysémateuse, pyélonéphrite aiguë emphysémateuse (PNAE) ou xanthogranulomateuse, bilharziose, tuberculose urinaire, les infections urinaires dites « atypiques » ne sont pas à sous­estimer. Diagnostic, pièges à éviter et prise en charge : le point avec le Pr Maxime Vallée du comité d’infectiologie de l’AFU.

Cystite emphysémateuse, PNAE, bilharziose, tuberculose, etc., le Pr Maxime Vallée, responsable du comité d’infectiologie de l’AFU (CIAFU) assure qu’ «il ne faut pas en avoir peur, mais ne pas les sous‐estimer pour autant ». Il ajoute : « Si vous avez un doute, n’hésitez pas à consulter des collègues ayant de l’expérience dans ce domaine. Et surtout, évitez le piège de réaliser des chirurgies lourdes lors de la phase aiguë. Prenez aussi toujours en compte les comorbidités, dont le diabète, souvent présentes. »   La cystite emphysémateuse   Le terme « cystite emphysémateuse » renvoie à moins de 500 résultats sur PubMed, la plus grande série rapportant 135 cas. Difficile donc de s’appuyer sur l’EBM. Faut‐il traiter systématiquement ? Placer une sonde vésicale ? Organiser une surveillance rapprochée ? Lorsque ces cystites sont symptomatiques, elles se manifestent par des signes classiques d’infection urinaire, auxquels peuvent s’ajouter des symptômes plus atypiques, dont la pneumaturie, des douleurs pelviennes souvent plus marquées et des signes de sepsis, notamment en cas d’association avec une pyélonéphrite emphysémateuse. Ces infections surviennent presque exclusivement chez des patients diabétiques. Par ailleurs, la majorité des infections sont causées par des entérobactéries classiques, principalement Escherichia coli et Klebsiella pneumoniae. Ce constat doit guider le choix des antibiotiques, évitant ainsi l’utilisation injustifiée d’agents ciblant spécifiquement des bactéries anaérobies (lesquelles restent exceptionnelles). En pratique, « la question de savoir s’il faut traiter la cystite emphysémateuse reste ouverte et dépend d’une évaluation clinique au cas par cas », fait remarquer Maxime Vallée. « Il n’est pas toujours nécessaire d’avoir recours à un traitement intraveineux ou à large spectre. La prise en charge est médicale, avec une durée comparable à celle d’une cystite classique. Néanmoins, la présence de fièvre doit alerter sur une éventuelle association avec une pyélonéphrite aiguë emphysémateuse ou sur une complication rare, comme une perforation vésicale. La découverte de bulles d’air panvésicales, panpariétales, associée à un doute sur l’intégrité de la paroi vésicale, peut justifier la mise en place d’une sonde vésicale. La chirurgie doit rester une option exceptionnelle, réservée aux complications majeures. »   La pyélonéphrite aiguë emphysémateuse   Un chapitre actualisé en 2024 dans la nouvelle encyclopédie médico‐chirurgicale d’urologie est dédié à cette infection(1). La pyélonéphrite aiguë emphysémateuse (PNE) concerne principalement des femmes âgées diabétiques. Les entérobactéries, en particulier Escherichia coli et Klebsiella pneumoniae, représentent 90 % des isolats. « Il n’y a donc pas lieu de craindre des germes atypiques nécessitant des antibiothérapies spécifiques », assure le Pr Vallée. « Le profil microbiologique est similaire à celui d’une infection communautaire. Cependant, la présence de comorbidités peut nécessiter des adaptations thérapeutiques, notamment pour les patients hospitalisés ou vivant en établissement de soins. » La présentation clinique ressemble à celle d’une pyélonéphrite classique. La fièvre et les douleurs lombaires, bien que parfois absentes, sont les principaux symptômes évocateurs. Environ 30 % des pyélonéphrites emphysémateuses sont secondaires à une obstruction des voies excrétrices supérieures. Ces infections entraînent un taux de mortalité important, jusqu’à 25 % dans certaines séries. Des infections potentiellement mortelles qui nécessitent un dépistage attentif. Celles‐ci se classent en trois grades de gravité pour adapter la prise en charge (classification Huang‐Tseng) : traitement ambulatoire ou hospitalier, choix des antibiotiques et durée de traitement. L’examen cytobactériologique des urines, idéalement réalisé avant l’instauration des antibiotiques, reste essentiel pour poser le diagnostic. Une échographie ou un scanner (plus performant) peut compléter le bilan afin de confirmer le diagnostic et d’exclure des complications ou des facteurs de gravité. Les fluoroquinolones demeurent le traitement oral de première intention pour les PNE simples. En présence d’une PNE grave, définie par un score qSOFA (quick sequential organ failure assessment) supérieur ou égal à 2 et/ou une obstruction des voies excrétrices supérieures, une bi‐antibiothérapie intraveineuse par C3G (céphalosporine de 3e génération) et amikacine doit être administrée en urgence. En cas d’obstruction, et seulement dans ce cas, une dérivation des voies urinaires s’impose, en urgence. Le drainage par néphrostomie (plus que par voie endo‐urologique) est probablement le geste le plus salvateur lorsqu’il y a un traitement chirurgical à réaliser, en évitant à tout prix la néphrectomie (à réserver à certains cas particuliers et surtout pas en urgence).   La pyélonéphrite aiguë xanthogranulomateuse   La pyélonéphrite aiguë xantho‐granulomateuse est une forme rare d’infection urinaire chronique. Elle entraîne des des‐ tructions progressives et silencieuses du parenchyme rénal, souvent associées à une altération de l’état général et parfois à des épisodes septiques d’origine indéterminée jusqu’à la réalisation d’une imagerie. Ce tableau touche surtout des femmes diabétiques d’environ 50 ans, souvent dans un contexte de pathologie lithiasique (70 % des cas sont secondaires à un calcul). Les germes en cause sont généralement des entérobactéries classiques. Ces infections peuvent se compliquer par des fistulisations vers les organes de voisinage (8 % des cas). Cependant, le taux de mortalité – de l’ordre de 1,5 % – est nettement plus faible que pour les pyélonéphrites emphysémateuses. D’où une attitude attentiste généralement indiquée, avec un traitement de l’infection aiguë, un drainage si nécessaire, voire une néphrectomie à distance.   La bilharziose urinaire   Les foyers de bilharziose urinaire se retrouvent principalement en Afrique subsaharienne (50 % de la population touchée au Soudan, par exemple) et donc potentiellement en France dans les zones urbaines accueillant un grand nombre de migrants. La clinique est souvent atypique et peu spécifique (25 à 40 % des cas ont des signes cliniques). En France, un foyer de schistosomiases se trouve en Corse (rivières du Cavu et Solenzara)(2). Les symptômes se manifestent principalement par des troubles du bas appareil urinaire, notamment liés à la phase de remplissage, et une hématurie macroscopique (20 %). Le diagnostic devient plus suspect lorsqu’en cystoscopie on observe des lésions, des granulomes, des pseudo‐polypes ou des calcifications, caractéristiques de formes évoluées de bilharziose. L’évolution de cette maladie peut conduire à un cancer épidermoïde de la vessie. Le diagnostic repose principalement sur des signes indirects tels que l’hyperéosinophilie observée à la NFS (40 %), ainsi que sur les sérologies qui, bien que non spécifiques au Schistosoma haematobium, sont positives en cas d’infection par une Schistosoma. Dans les régions où les schistosomiases sont rares, une sérologie positive peut orienter vers un diagnostic potentiel. Les examens recommandés incluent l’examen direct par l’ECBU, bien que ce dernier ne soit pas toujours contributif, la PCR urinaire sur 24 heures, et, en cas de doute, l’uro‐TDM, la cystoscopie et la biopsie peuvent être nécessaires. Le traitement est simple, avec du praziquantel à une dose de 40 mg/kg en une prise unique. Un suivi est recommandé à 3, 6 et 9 mois. Dans les formes très symptomatiques, la corticothérapie peut être utile et, dans les pseudo‐polypoïdes, la chirurgie peut être envisagée.   La tuberculose urinaire   Les cas de tuberculose urinaire observés en France sont généralement des cas importés ou des complications liées à la BCG‐ thérapie. Bien que ces cas restent rares, ils doivent attirer l’attention, en particulier lorsqu’une tuberculose urinaire est diagnostiquée, car fréquemment associée aux infections par le VIH (dissémination hématogène à partir de la tuberculose pulmonaire). Les facteurs de risque sont similaires à ceux de la tuberculose pulmonaire : diabète, âge, dénutrition et immunodépression, entre autres. Un risque de réactivation demeure, avec des reviviscences de tuberculose urogénitale observées dans 15 % des cas malgré un traitement adéquat. La PCR urinaire est l’examen diagnostique clé, et parfois la biopsie est indiquée. Le traitement implique une quadrithérapie pendant 2 mois, suivie d’une bithérapie pendant 4 mois. Les complications anatomiques étant fréquentes, avec des sténoses urétérales et des hypocompliances vésicales, la chirurgie réparatrice peut être nécessaire (50 % des patients dans une série de cas). En outre, l’infertilité liée à la tuberculose urogénitale (orchiépididymites, salpingites) doit être prise en charge.

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